Le Paris JUG a été créé il y a deux ans et c’est très vite devenu un franc succès. Une fois par mois, des développeurs java se retrouvent pour participer à des conférences qui concernent leur métier.
Réflexions sur un succès.
Il y a deux ans il n’y avait pas de JUG en France. Aujourd’hui il y en a au bas mot seize! Qu’est ce qui a fait le succès des JUG en France? Je crois qu’il faut changer de vision et prendre un regard un peu sociologue pour comprendre le succès des Jug.
Confiance et proximité
Tout d’abord, les JUG regroupent des gens d’une population homogène. La plupart des gens qui viennent au Paris Jug ont la trentaine voire l’ont dépassé. Mieux, on retrouve cette homogénéité de l’âge également dans les intervenants, qui ressemblent beaucoup à son public. Je me souviens avoir été très surpris lors de mon premier Jug – sur Maven, présenté par Arnaud Héritier – par la tenue d’Arnaud : simple polo fatigué, baskets, moyennement rasé. Ici, une grande proximité entre le public et celui qui parle. La confiance compte. On est loin des « petits déjeuners » sponsorisés par des entreprises où des consultants avant-vente viennent vous baratiner. « No fluff just stuff ». Cette proximité est accentuée par le fait que l’on parle ici un même langage, celui de la technique.
Equilibre
Avoir en général plus de trente ans veut dire que les gens qui participent à ces conférences ont plusieurs années d’expérience. Beaucoup de gens se sont déjà croisés. Soit qu’ils ont été collègues au sein d’une SSII, soit qu’ils se sont connu chez un client, beaucoup de gens ont déjà travaillé ensemble. Bref, le Jug est une occasion pour tout le monde de se retrouver dans un cadre plus détendu. Le Jug est un terrain « neutre » et égalitaire. Ou plutôt… Un terrain désarmé. La convivialité est la règle. En effet, sachant que l’on se retrouve entre collègues et ex collègues, on sait aussi que l’on peut changer d’entreprise ou de client, que la roue tourne assez vite et qu’il n’y a donc pas « intérêt » à jouer les uns contre les autres.
Ce sont les organisateurs et les conférenciers qui donnent l’exemple puisque lors d’une des soirées, on a vu Antonio Goncalves (auteur de Beginning Java EE 6 Platform With GlassFish 3 ) porter un tee-shirt Springsource tandis que Mickaël Isvy (de Springsource) arborait un tee-shirt Glashfish.
On voit cette recherche de l’équilibre lorsqu’on porte un regard sur la liste des sponsors Platinium.
Objet Direct et Sfeir revendiquent le même nombre de collaborateurs (250), Novedia un peu plus (420).
Zenika, Xebia et Oxiane sont trois petites entreprises très proches tant en nombre de collaborateurs (moins de 30) que dans l’approche (technologies de pointe, rôle de défricheur, formations). Fast Connect semble ressembler aux trois derniers en un peu plus gros (40 collaborateurs en 2008).
Reste Valtech qui est la seule « grosse » ssii parmi les sponsors mais c’est la seule dans cette catégorie.
On voit aussi que chaque type de ssii est représentée : grosse , moyenne, petite.
Je pense que le Paris Jug se retrouve bien dans cet équilibre, a besoin de cette égalité afin de ne pas susciter une volonté d’hégémonie ou une méfiance de la part du public.
Le fait que le Paris Jug soit mené par plusieurs indépendants va dans le même sens.
En fait la population des développeurs java en Ile de France est assez grande pour permettre de constituer un groupe important. Mais cette population n’est pas assez grande pour que cette communauté prenne le luxe de s’ignorer les uns les autres ou de se faire des guerres trop marquées. Nous ne sommes pas dans un espace Bisounours, mais plutôt dans un territoire où règne un certain équilibre.
Nécessité de la formation continue
Pour continuer avec notre oeil de sociologue amateur, je vois une autre conséquence à l’âge de la population du Paris Jug. Au delà de trente ans, on a quitté l’école depuis un certain temps et le développeur a besoin de se tenir informé de ce qui se passe. Il a besoin de connaître les dernières technologies, les nouvelles solutions. C’est ce qu’apporte le Jug. Une universitaire, à qui je décrivais le Jug, m’a fait remarquer que ces conférences s’apparentent à un système de formation continue, tout simplement.
Beaucoup de choses vues simplement en réfléchissant sur l’âge des participants? J’émets ici l’hypothèse que la population des développeurs se « séniorise ». Qu’on s’éloigne peu à peu de cette image d’armées de développeurs juniors qui ne rêvent que d’une chose, devenir tous chefs de projets. En ce sens, ce ne serait pas un hasard si Le billet le plus commenté sur le blog le plus connu de la sphère Java en france (celui du Touilleur express) parle justement de ces développeurs de plus de trente ans. Il devient possible d’être techniciens et de le rester longtemps. En ce sens, participer à des conférences devient aussi normal que, pour un médecin, de participer à un congrès. A chacun par la suite, s’il veut creuser le sujet, de suivre une formation plus complète ou de créer un projet pour « tester la techno ».
Qualité et réactivité
Enfin, dernière observation concernant le Paris Jug : les conférences de qualité! Plusieurs conférenciers étrangers et spécialistes reconnus dans leur domaine. Plusieurs conférenciers français qui par la suite ont fait des présentations dans les conférences internationales. De plus, si on regarde la liste des sujets abordés on voit qu’il s’agit en général de sujets très chauds, qui ont moins d’un an, voire souvent moins de 6 mois! Pour ne parler que des dernières conférences : jsf2, Atmosphere, Android, JavaEE6 et Spring 3….
Conférences de qualité, respect du métier du développeur et de son point de vue, événements qui permettent de structurer une communauté au delà des valeurs qui auparavant semblaient dominer (le « produit », la « marque », l' »employeur »…) pour imposer d’autres problématiques… Le succès du Paris Jug – et de tous les jug en France – est un excellent signe de la maturité nouvelle des développeurs.
Auteur : Gabriel Kastenbaum.
Photos : venues du site de www.parisjug.org Creative Commons